#parole d’expert : Nathalie Ferjoux (Mix In Partners) – Les licences au service de nouveaux modes de vie plus durables ?
Et si nos dessins animés, nos jeux vidéo devenaient les fers de lance d’un nouveau modèle de société, plus écologique et plus juste socialement ?
Nos héros du quotidien, des influenceurs tout puissants
De la crèche à la cour de récré, de la pause collège aux soirées tardives étudiantes, les licences sont au cœur des activités, des discussions passionnées et des passe-temps plus oisifs (ou très actifs) devant les écrans.
Les héros du quotidien de nos enfants sont des influenceurs d’exception, qui peuplent nos imaginaires et nous construisent d’autant plus intensément que nous vivons dans une société qui manque de repère et de vision d’avenir consensuel.
L’éco-anxiété grandissante des jeunes générations
Plus d’un Français sur deux, âgé de 16 à 25 ans, se dit “très” ou “extrêmement inquiets” du changement climatique selon une étude parue dans The Lancet Planetary Health en 2021. Cette éco-anxiété affecte également leur vie quotidienne : 35 % d’entre eux affirment en effet que cela a un impact négatif sur leur façon de vivre.
Alors, comment donner envie aux jeunes (et moins jeunes) générations d’avancer dans un monde où la sobriété est le nouveau driver (éteindre les lumières, consommer moins mais mieux, repenser le voyage et privilégier les déplacements en mobilité douce, diminuer notre consommation de viande etc), où les pénuries (d’eau, d’énergie, d’alimentation …) sont à la Une des médias, où la biodiversité s’effondre, où les inégalités sociales et climatiques n’ont jamais été aussi fortes et visibles ?
Un monde d’injonctions contradictoires
Notre société est fondée sur des normes sociales contradictoires. La sociologue Sophie Dubuisson-Quellier l’explique ainsi : “D’un côté, les normes que nous partageons et dans lesquelles s’inscrivent nos vies sociales nous expliquent qu’une vie réussie doit souscrire à un certain nombre d’indicateurs : la taille de notre logement, les équipements dont nous disposons à la maison, le fait d’avoir un ou plusieurs véhicules, la possibilité de partir en vacances, voire de partir loin, et en avion…” . De l’autre côté, “d’autres références normatives peinent à se constituer. Il n’existe pas de proposition qui fasse référence à des normes sociales ou à des valeurs que nous pourrions partager autour de modes de vie compatibles avec les limites de la planète.” En attendant, “l’écologie n’est présentée que comme un renoncement” à ces aspirations communes, tranche-t-elle.
C’est maintenant que l’on a besoin de nouveaux imaginaires qui nous propulsent vers des modèles désirables, respectueux du Vivant et moins gourmands en ressources.
Se réinventer à travers des nouveaux récits qui encouragent de nouvelles pratiques de consommation et réécrivent de nouvelles normes sociales.
Cyril Dion explique : « Il est difficile de construire un monde différent si on est même pas capable de l’imaginer ».
Quels pouvoirs ont les licences !
Tirer la sonnette d’alarme, alerter, sensibiliser pour faire réagir, …la fiction peut se permettre d’engager la réflexion et d’éveiller les consciences.
Insuffler des imaginaires positifs, créer des avenirs désirables, des récits inspirants. Donner vie à des «role models», terme proposé par le sociologue Robert King Merton, ces sources d’inspiration qui permettent de se projeter positivement dans un nouvel engagement, environnemental ou social par exemple, dont la trajectoire pourrait faire écho à nos expériences de vie.
Donner les clés pour agir aux citoyens de demain en leur insufflant les bons réflexes des éco-gestes du quotidien dès le plus jeune âge pour mieux les préparer pour leur vie future.
Et finalement donner envie de se dépasser pour reconstruire une société de l’équilibre … quel projet fantastique pour ceux qui créent !
Nos héros rassurants sont un refuge, comme une bulle affective, où chacun y trouve réconfort et s’offre une parenthèse. Nos héros combatifs sont libératoires, montrant un autre chemin possible même s’il n’est pas linéaire. Les héros sont porteurs de valeurs sociétales et écologiques ancrées dans notre pop culture.
S’inspirer, s’identifier, se rassurer, s’enivrer, vibrer, pleurer, s’effrayer à en crier, rire, rêver, quel pouvoir ont les licences ! Les émotions sont un levier essentiel pour accepter le changement et passer à l’action.
Les collaborations qui engagent, les licences qui impactent.
Avec pédagogie, Hello Maestro nous explique les vertus de la consommation seconde main auprès de Back Market
Avec joie et optimisme, Aigle invite Smiley pour donner envie de voir le monde autrement, « jamais résignés, toujours positifs ».
Avec engagement et audace, Minecraft fait entrer Reporters sans Frontières avec sa « Bibliothèque Libre » pour donner accès à tous à l’information.
Avec humour et créativité, Chefclub et Too Good To Go s’associent pour cuisiner anti-gaspi.
En musique, Lego s’adosse aux Kids United pour sa Campagne Rebuild the World.
Les Schtroumpfs soutient l’Unesco pour défendre à ses côtés le patrimoine mondial marin.
Enfin, Barbie donne la parole à toutes les femmes, toutes les morphologies, toutes les origines, montre le handicap et ouvre le regard vers toutes les réussites. Balmain porte ses valeurs auprès de Barbie, « pour une aventure multiculturelle et inclusive, emplie de joie et de bonne humeur.”
Les licences ont ce double pouvoir: agir autant sur le fond que sur la forme.
Sur la forme, créer de l’impact pour émerger
Une marque qui fait le choix de s’associer à une licence pour mettre en lumière son engagement RSE le fait pour des raisons évidentes : s’appuyer sur la pop’ culture pour adresser un public avec ses propres codes.
Sur le fond, rester cohérent avec ses valeurs
Mais pour que le message impacte et soit authentique, gare à rester cohérent sur le fond! Pour porter un message porteur de sens, la licence doit avoir construit bien en amont ce storytelling inspirant.
Aller plus loin … prendre toute la mesure de sa responsabilité
Au-delà de la forme et du fond, s’ouvre donc le grand chantier de l’impact du modèle d’affaires des licences sur leur chaine de valeur. Comprendre où sont leurs impacts face aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux pour amorcer la transformation.
Il s’agit de mesurer son empreinte, de faire des choix pour privilégier des partenaires commerciaux plutôt que d’autres au service d’un monde plus durable et plus éthique.
Entamer l’écriture collective de sa raison d’être, de sa mission de marque.
Comment faire pour se transformer ?
Commencer par former ses équipes : les équipes business pour une compréhension des enjeux et des risques mais aussi les équipes créatives au service de la création de nouveaux imaginaires.
Prendre conscience de son pouvoir et endosser son rôle d’influenceur responsable !
Parce qu’« un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » : Spider-Man l’avait déjà bien compris !
A propos de Nathalie FERJOUX
Nathalie FERJOUX (Mix In Partners) accompagne les entreprises pour repenser leur stratégie marketing et communication vers des modèles plus responsables.
Un métier initialement autour des partenariats et des stratégies de communication qu’elle a fait évoluer vers des partenariats à impact, accélérateur d’engagement RSE.
Elle accompagne également les organisations sur la sensibilisation aux enjeux RSE et RSM, à travers une palette d’outils proposés en intelligence collective et un parcours sur mesure pour engager les équipes.
Je crois aux petits pas … et j’aime à rappeler la citation de Margaret Mead « Ne doutez jamais qu’un petit nombre de citoyens volontaires peut changer le monde; en fait cela se passe toujours ainsi ».